Aboubakr Jamaï, la révolution au Maroc serait "sanglante"

Publié le par lanastaslim

Entretien publié dans le numéro 2411 du 20 au 26 janvier 2011 du Nouvel Observateur. L'article n'étant pas disponible en ligne, j'ai retranscrit les extraits les plus importants.

Entretien fait par Sara Daniel 

Le Nouvel Observateur: Les situations politiques au Maroc et en Tunisie ont-elles des points communs?

 

Aboubakr Jamai.- Il y a eu une phase d'ouverture au Maroc, initiée par Hassan II dans les années 1990. Mais très vite le pouvoir s'est appuyé justement sur l'exemple tunisien pour refermer cette parenthèse démocratique. Le général Laânigri, ancien chef des services de sécurité, faisiat ainsi, au début du règne de Mohammed VI, le tour des différents centres de pouvoir pour vanter le modèle de la Tunisie qui, en dépit du fait qu'elle ne respectait pas les droits de l'homme, était perçue comme le pays le plus stable de la région et qui combattait avec succès les islamistes. "Le Journal hebdomadaire" avant d'être interdit il y a un an, a d'ailleurs fait la une sur cette "benalisation" du Maroc. 

 

N.O.- Qu'entendez-vous par là?

 

A. Jamai. - Elle s'opère à deux niveaux. Politique d'abord: le PAM, le Parti Authenticité et Modernité du conseiller du roi, Fouad Ali el-Himma, imite le RCD tunisien dans sa volonté d'hégémonie sur la vie politique du pays. Mais surtout on assisteà une véritable "monarchisation" de l'économie. Les câbles de WikiLeaks ont révélé que la corruption était bien plus importante aujourd'hui que du temps de Hassan II. " Si vous voulez faire des affaires au Maroc, il vous faudra obligatoirement passer par l'une de ces trois personnes: le roi, Fouad Ali el-Himma ou Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi et patron de la holding Siger, qui s'occupe des intérêts économiques de la famille du roi", expliquait un homme d'affaires proche du palais, non pour le déplorer mais simplement pour indiquer aux Américains la marche à suivre! Siger contrôle les entreprises privées, notamment en captant l'épargne marocaine et l'argent de la Caisse de Dépôt et de Gestion, CDG. Aujourd'hui, le roi est le premier banquier, le premier assureur du pays à titre privé. 

 

N.O.- Pourtant le Maroc ne semble pas à la veille d'un soulèvement...

 

A. Jamai.- C'est un miracle, dans un pays où la richesse est aussi obscène que la misère. (...) Et si le Maroc s'embrase, la disparité des richesses est telle que la révolution y sera beaucoup plus sanglante qu'en Tunisie.

Publié dans Revue de Presse

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